L'Industrie du charbon entre Loire et Layon
Rappel Historique...

 

Trop peu d'Angevins savent que jusqu'en 1964,
on extrayait du charbon en Maine et Loire.

NOTE IMPORTANTE :
L’activité des mines de charbon en Anjou s’étend de Doué la Fontaine à Ingrandes : les mines d’entre Loire et Layon regroupent les exploitations comprises entre St Lambert du Lattay et Chalonnes sur Loire.
Résumer l’ensemble de l’activité des mines de la Basse-Loire serait un travail énorme, c’est pourquoi nous nous contenterons de vous retracer les faits marquants de l’histoire des mines d’entre Loire et Layon…
Les textes qui suivent sont des résumés du livre "Gueules noires au pays du vin blanc", édité aux éditions Alan Sutton (2004). Plus d'infos sur la page publications.

Cliquez sur la partie qui vous intéresse.

I– Le temps des exploitations individuelles
II– Le temps des concessions
II – Les dernières mines et le permis d’exploitation des Malécots (PEX)


Carte des différentes concessions minières étalées
le long du sillon houiller de Basse-Loire (cliquez pour agrandir)

 


 

I – Le temps des exploitations individuelles

On n’extrait le charbon à St Georges Châtelaison, Saint Lambert, Montjean et St Georges sur Loire que depuis le XVIIIème siècle. A Chalonnes, les premières fouilles remontent au XIVème siècle.
Très peu de documents restent de cette époque. On sait seulement que certains propriétaires constatèrent la présence de charbon dans leurs champs ou vignes.

Dès 1494, d’après les comptes de Jehan Jollivet, receveur châtelain de la baronnie de Rochefort, deux puits existaient à Ardenay. Les procédés d’extraction étaient plutôt rudimentaires, le sol n’était creusé que jusqu’à une vingtaine de mètres. Le rendement était très faible.
A l’époque, un dixième de la houille était versé au Roi (édit de Charles VI de 1413). Cet impôt fut ensuite supprimé par Henri IV.

Au XVIIème siècle, Louis XIV apprit qu’en Anjou, les recherches de houille allaient sans cesse en augmentation. Il donna ainsi au duc de Montausier, en 1689, et après lui à sa fille la duchesse d’Uzès, le droit de fouiller le terrain partout où du charbon était soupçonné. Les propriétaires ne devaient pas s’y opposer. Ce privilège accordé par le Roi causa beaucoup de froissements, de vexations, de contrariétés et d’ennuis.
Par suite des troubles causés par cette décision, un arrêt solennel du Conseil, en présence de sa majesté, maintint les habitants de l’Anjou dans la possession de faire valoir les mines de charbon de terre qui se trouvaient dans leurs domaines (4 janvier 1695).
Cet arrêt connu, les mines se multiplièrent. Les fouilles devinrent plus nombreuses et les propriétaires plus actifs. En 1750, sur les paroisses de St Maurille de Chalonnes, de Chaudefonds et St Aubin, on recense plus de 36 puits et une vingtaine de propriétaires. Les accidents étaient très courants, l’installation était si simple…
Lorsqu’un puits s’effondrait ou s’inondait, le propriétaire en faisait creuser un autre plus loin. Cette manière d’agir aurait pu, par la suite, beaucoup gêner l’exploitation des veines de houille. Aussi se forma-t’il deux sociétés : l’une des mines de St Georges Châtelaison, l’autre des mines de Chaudefonds et de St Aubin de Luigné, encore appelée Cie Bault. C’est la seconde qui va nous intéresser plus particulièrement.

En 1753, un ancien fripier d’Angers, le sieur Bault, demanda à l’intendant de Tours l’autorisation d’avoir l’unique droit d’exploiter tous les puits existants dans la région. Il eut le plaisir de recevoir une réponse favorable. Fier du privilège reçu, il voulut s’emparer, avec des armes, de toutes les mines. Bault agissait toujours avec violence face au refus légitime des propriétaires. Ses ouvriers ne recevaient guère leur salaire, aussi, souvent, se livraient-ils au pillage et au meurtre. Le charbon n’était ni trié, ni nettoyé et il se vendait mal. La misère des mineurs les faisait plus ressembler à de malheureux vagabonds qu’à d’honnêtes ouvriers.
Cette vie de débauches et de brigandages exaspérait la population. Celle-ci intenta un procès à la compagnie. Bault et ses associés triomphèrent par arrêt du Conseil en 1760. Cela ne leur porta pas chance car, en juillet 1766, la Compagnie fut dissoute, suite à des difficultés d’exploitation. D’autres propriétaires reprirent l’activité et se partagèrent les terrains, mais la Révolution de 1789 fit fermer la plupart des puits d’entre Loire et Layon.
Dès lors, l’apparition des concessions rationalisa les exploitations et permit de rouvrir les anciens puits.

 

II – Le temps des concessions

Le système de l’exploitation individuelle n’était pas sans inconvénients, tant sur le plan des conditions de travail – les accidents étaient fréquents – que sur celui d’une utilisation la plus rationnelle possible des ressources en charbon. Par ailleurs, passée une certaine profondeur, de l’ordre de 40 m, les moyens à mettre en œuvre nécessitaient d’importants capitaux. Aussi, au cours du XVIIIème siècle et non sans incidents locaux multiples, se mit progressivement en place le système dit de la concession par lequel l’Etat concèdait l’exploitation des richesses souterraines à des sociétés qui, en contrepartie, prenaient des engagements de travaux (statuts de 1810).
C’est sous ce régime des concessions qu’au XIXème siècle l’exploitation du charbon connut son apogée.

1) La concession de Layon et Loire (1804 – 1898)Galerie de la Roncerie
Elle s’étend de Rochefort à St Lambert. Les premiers concessionnaires furent Mr Gastineau et Roux. Les puits d'Ardenay en faisaient partie, de même que ceux du Roc (incendie vers 1870).
Les Malécots appartenaient également à la concession. On exploitait le charbon sur ce site par un puits de grande profondeur : "Le Grand Puits des Malécots" (1822 à 1873). On ferma la mine peu de temps après un grave incendie qui coûta la vie à 5 mineurs dont 2 sont restés au fond. Leur enterrement se fera sur le puits même, avec une foule impressionante de 3000 personnes. Layon et Loire fut sans doute la concession la plus importante de toute l'histoire du Bassin de la Basse-Loire.
Ci-contre, la sortie de la Galerie de la Roncerie, débouchant sur le Layon.

2) La concession de Désert (1842 – 1928)

a) Présentation
Elle couvrait la vallée entre la Loire et le Louet. Le premier concessionnaire fut la compagnie des houillères de Chalonnes formée par Mr Jacques Triger, ingénieur mondialement connu pour son invention (cf. paragraphe suivant), et Mr Emmanuel Pons-Dieudonné comte de Las Cases, sénateur. Ce dernier était le fils de Marie-Joseph Dieudonné de Las Cases qui avait accompagné Napoléon à Ste Hélène et c’est à lui que Napoléon avait dicté, pour partie, ses mémoires. Mort en 1851, Emmanuel fut remplacé dans l’administration de la concession par son frère Barthélemy. Sa veuve fit construire la chapelle Ste Barbe des Mines.
Cette concession fut sans doute la plus remarquable : d'une part grâce à ses directeurs et ingénieurs prestigieux et d'autre part grâce à la richesse industrielle et technique qui l'a accompagnée.

b) les puits de l’exploitation
A la suite de l’octroi de la concession de Désert, cinq puits furent exploités dans la vallée de Rochefort à Chalonnes :
- En 1839, le puits n°1 à La Prée (280m)
- En 1842, le puits n°2 à La Prée (560m)
- En 1849, le puits n°3 à La Prée (295 m)
- En 1858, le puits n°4 à Désert (300m environ)
- En 1875, le puits n°5 à Désert (140m environ)

Les incidents ne manquèrent pas :

- Le 25 janvier 1850, le puits n°1 fut soudainement inondé par une source abondante : pour en venir à bout, il fallut mettre en œuvre une capacité de pompage de l’ordre de 40m3/heure (ce qui était considérable pour l’époque).
- En 1856, c’était la grande crue de mai qui fut sur le point d’inonder le puits n°2. Au fur et à mesure de la montée des eaux, il fallut remonter son orifice.
- En 1857-1858, on installa sur le puits n°1 une machine d’exhaure colossale de 600 CV pour pomper les eaux d’infiltration (cf. d)) qui menaçaient l’exploitation.
- En novembre 1870, un incendie ravagea une partie du puits n°2 au niveau –336m. Il fallut inonder. La pompe se brisa en décembre : on abandonna tous les niveaux inférieurs à 92 m sur les puits n°1 et n°2. Peu de temps après, on décida de fermer ces deux puits et de reporter l’exploitation vers le n°3 et n°4.
- Après 1894, année de fermeture du puits n°3 totalement épuisé, ne restait plus en activité que le puits n°4 dont les niveaux inférieurs devaient être abandonnés en 1906 par suite, là encore, de venues d’eau. Le puits n°5 avait été foré pour l’aérage et la descente des mineurs.
- En 1913 l’activité de la mine de Désert cessa définitivement.
Intérieur du n°4
l’intérieur du puits n°4 de nos jours
puits n°5
le puits n°5 de nos jours
c) le procédé Triger
Les études géologiques avaient fait apparaître que les bancs de charbon se poursuivaient sous la vallée de la Loire. Seulement, pour y parvenir, il fallait traverser une vingtaine de mètres de sables aquifères (terrains imprégnés d’eau).
Jacques Triger, ingénieur responsable du projet, eut l’idée d’utiliser l’air comprimé pour refouler cette eau. En effet, les procédés de pompage traditionnels n’étaient pas suffisants pour évacuer les infiltrations importantes lors du fonçage.
Le niveau des eaux était ainsi maintenu au fond du puits en construction par l’injection permanente d’air comprimé. Les ouvriers et les gravas passaient par un sas. L’eau était évacuée par un tuyau le long de la structure.
L’invention accidentelle de l’effet utilisé par les injecteurs Giffard (pour les connaisseurs) accéléra énormément les travaux. Un trou pratiqué dans le tuyau d’évacuation permit de transformer l’eau liquide en émulsion – plus légère – et donc de limiter la pression interne dans la chambre de travail. A pression égale, on pouvait ainsi creuser plus profondément.

Le procédé Triger, mondialement connu, fut utilisé pour les 5 puits de La Prée. Par la suite, ce fut le procédé couramment utilisé pour la construction des piles de ponts (Pont de Kehl, du Firth of Forth...) et le fonçage en zone aquifère. Il fut même utilisé par Eiffel en 1887 pour construire les fondations de deux des quatre piles de sa tour qui étaient situées dans un ancien bras de Seine. Une société britannique continue à l'utiliser de nos jours (Specialist Plant). Pour plus de renseignements sur les évolutions techniques de l'invention de Triger, n'hésitez pas à contacter .

d) la pompe d’exhaure de 600 CV

Il nous a semblé utile de consacrer un paragraphe à cette mystérieuse machine à vapeur qui fut installée pour l’exhaure (le pompage) sur le puits n°1. Les dimensions de cette machine à simple effet de Watt étaient colossales :

- Course du piston moteur : 3,50m
- Diamètre du piston moteur : 2,30m
- Puissance approximative : 600 CV
- Débit de la pompe au fond : 3800 m3 par jour
- Volume extrait par coup de piston : 880 L

Cette machine n’avait rien à envier à ses consœurs de Cornouailles (Grande-Bretagne). C'était la plus grosse machine à vapeur jamais installée pour l'exhaure en France selon "l'Illustration" ! On venait de loin pour l’observer et le bruit qu'elle produisait résonnait longtemps dans la vallée. Une vue en élévation vient juste d'être découverte au Muséum d'Histoire Naturelle d'Angers. L'étude de son fonctionnement est chose captivante.

La pompe fonctionna de 1858 à 1870, date à laquelle la maîtresse-tige se rompit, fit exploser les conduites de vapeur et entraîna la mort du fils du machiniste qui était dans la pièce avec lui. Ceci marqua le déclin puis la fin des puits n°1 et n°2.

La concession de Désert et son extraordinaire richesse technique ont fait l'objet de plusieurs conférences en 2001-2002.

3) La concession de St Aubin / St Lambert (1908 – 1930)

Elle reprit une partie de l’ancienne concession de Layon et Loire, au nord du Layon, notamment à la Roulerie (St aubin). Cette mine était la plus prospère. Le puits du carreau, appelé aussi puits Bigeard – du nom d'un des promoteurs, possédait un chevalement métallique – le seul qui ait existé dans la région – et un système de descente par cage. Il fut foncé en 1904, jusqu'à 200m. L'activité dura de 1904 à 1914, s'interrompit pendant la guerre puis reprit de 1917 à 1927.

 

III – Les dernières mines et le permis d’exploitation des Malécots (PEX)

1) Les recherches aux Malécots
Suite à la fermeture des Malécots en 1873, on abandonna momentanément le site. Il fallut attendre 1915 et ensuite la pénurie d'après guerre pour voir des fouilles reprendre. La Société des Recherches Minières de Rochefort-sur-Loire fonça alors quatre puits de faible profondeur pour le sondage : les puits n° 1, 2, 3 et 4.
C'est le quatrième qui fut exploité : poussé à 60 mètres, il permit de sortir 15000 tonnes de charbon. L'activité cessa en 1923.

2) La mine des Bruandières
Durant la guerre de 39-45, plusieurs fouilles reprirent dans la région. Au lieu-dit des Bruandières, on entreprit le percement d'une galerie à flanc de coteau, à quelques mètres au-dessus du Layon. La Société d'Exploitation Minière de l'Anjou en tira du charbon de chauffage de 1942 à 1950. Certains mineurs des Bruandières furent ensuite employés aux Malécots, d'autres dans des exploitations agricoles voisines.

3) La mine du Clos de l’Aiglerie
En 1941 sous l'occupation allemande, Mr Gousset fouilla sa propriété et trouva une veine de charbon. Il décida de l'exploiter et il en tira quelques dizaines de tonnes. Les établissements Bessonneau d'Angers, fabricants de cordages, reprirent les travaux de l'Aiglerie et creusèrent trois puits allant jusqu'à 80m. La mine était alors entièrement sous contrôle Allemand.
Elle ferma en 1945 avec la fin de la guerre. L'usine Bessonneau se tourna alors vers le site des Malécots…

4) Le permis d’exploitation des Malécots
Durant la seconde guerre mondiale (1942), la Société des Mines d'Or de la Bellière reprit l'ancien puits n°4 de 1918 pour le compte des Etablissements Bessonneau d'Angers. En 1946, ces derniers poursuivirent eux-même les recherches et modernisèrent les Malécots : chevalement, treuil, cage, ventilateur... Un permis d'exploitation de 15 ans fut demandé en 1949. Il fut accordé et durant cette période, on exploita le charbon par le "Petit Puits des Malécots" (ex-n°4) poussé à -85m et suivi d'un plan incliné allant jusqu'au niveau -200m. On descendait dans la cage suspendue à un chevalement en bois.
On fonça* ensuite un second puits, à l'Ouest du premier, pour servir d'aération à la mine (prof. 45m).
Beaucoup de gens se souviennent encore de la petite mine des Malécots, qui employait au plus fort de son activité 45 personnes. Tous les jours, un camion rempli de charbon faisait l'aller-retour avec l'usine Bessonneau.
Les trois derniers mineurs encore vivants ont bien voulu témoigner. La retranscription de leur entretien est disponible sur ce site.

La mine sortit son dernier wagon de charbon en 1964, avec l'arrivée du fuel chez Bessonneau et la fin du permis d'exploitation (15 ans). L'entreprise, elle, ferma ses portes quelques années après...
C'est sans doute la dernière mine de charbon de l'épopée houillère en Basse-Loire.

* Foncer : action de creuser verticalement.
Auteurs : François Martin.