RENCONTRE
avec
GEORGES LANDEBRIT


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Le discours et le style n'ont pas été modifiés. Aussi, pour plus de compréhension, des indications sont données en italiques et entre parenthèses.

Entretien avec Georges Landebrit (mineur aux Bruandières de 1945 à 1947, puis aux Malécots de 1948 à 1963).
Chalonnes sur Loire, le 10 Juillet 2000.

François Martin : Vous pourriez, pour commencer, me raconter la journée d'un mineur.

Georges Landebrit : Ah ben, la descente dans la mine d'abord. Y'avait un puits de 85 m et après on descendait en plan incliné. Et c'était par étages. Le plan incliné, il faisait peut être euh… une quarantaine de mètres.

F.M. : Y'avait un étage intermédiaire de 60 m, à quoi servait-il ?

G.L. : Ah oui. Il donnait un retour d'air, avec un puits d'aération qu'était plus à gauche du puits d'extraction.

F.M. : D'accord. Revenons à l'extraction. Vous descendiez 85 m d'une trotte, c'est ça ?

G.L. : Oui c'est ça. Y'avait une galerie pis on descendait en plan incliné.

F.M. : Vous avez des photos là, je vois.

G.L. : Ah oui, oui. C'était une galerie boisée ça.

F.M. : Aux Malécots ?

G.L. : Ah oui. Le chapeau et pis les chandelles. Des fois – quand c'était trop large : 3m, 3.50m – on mettait une chandelle au milieu. Y'avait peut être des galeries de 300 m de long hein. Et pis l'autre photo, c'est dans la pierre, dans le roc. Là dedans, j'en ai fait au moins 3 ans vous voyez.

F.M. : Et vous vous êtes arrêté pour…

G.L. : Bah, presque à la fin. J'ai arrêté en 63 et ça a fermé en 64. Parce que je sentais que c'était la fin et… après, c'était le mazout qu'a tout remplacé chez Bessonneau. Pis moi j'étais silicosé, ça m'intéressait plus, j'étais au bout là.

F.M. : Ce qu'on voit (sur la photo), c'est les colonnes d'air ici ?

G.L. : Oui, c'est des colonnes d'air, ça.

F.M. : Pour vous éclairer, vous aviez des lampes…

G.L. : On avait des lampes… Des fois, j'avais ça au casque. Autrement c'étaient des lampes qu'on portait à la main. C'étaient des lampes à essence pour détecter le gaz. Quand on arrivait dans le fond d'une galerie, il n'y avait plus d'air. Alors je mettais la lampe comme ça et pis on dévissait la mèche, le plus bas possible. Et pis ça faisait une auréole. Alors si la lumière montait, ça faisait une auréole bleue. C'était signe qu'y avait du gaz.

F.M. : C'était si la flamme montait. Et si la flamme s'éteignait ?

G.L. : Bah, c'est qu'y avait plus d'air. Ça m'est arrivé. C'était au bout d'une galerie comme ça, de 300 m de long. Ma lampe s'éteignait – plus de lumière – par le manque d'air quoi. C'étaient des galeries de 300 m pour refaire une cheminée pour rejoindre une galerie supérieure, pour aller dans des retours d'air, quoi.

F.M. : Louis Bourigault m'a parlé d'une lampe qui marchait à l'air comprimé. Comment ça fonctionnait exactement ?

G.L. : C'est à dire que, pour expliquer ça… C'était un tuyau quoi, pis y'avait une grosse lampe – un globe – et pis c'était alimenté par le tuyau. L'air faisait tourner une turbine là-dedans et ça faisait de la lumière.

F.M. : D'accord. L'électricité était interdite au fond ?

G.L. : Ben oui. Sauf à 85m pour le treuil. Y'avait une galerie là, longue de mettons 150 à 200m, et pis après c'était le plan avec le treuil qui tirait tous les wagonnets du bas. Et pis même à 137, y'avait les pompes. Parce que c'était par puisards. A chaque fois qu'on allait percer ici, l'eau s'en allait dans les puisards et pis on pompait là-dedans. Alors l'eau de 200m montait à 137, et pis de 137 à… ainsi de suite jusqu'à 85 m. Pis après, elle s'en allait au jour. Oh ! Ben même pas. J'crois qu'elle s'en allait dans la galerie de 60 m pour tomber aux vouzeaux, là. Y'avait ben 6 km de galeries aux Malécots.

F.M. : Tout a été comblé maintenant ?

G.L. : Une partie oui. Parce que moi, je suis parti avant. L'année d'après, ils n'avaient plus que ça à faire. Tout doit être cassé maintenant. Ben, sauf des galeries comme ça (il me montre une des photos) parce que c'étaient des tunnels dans le roc. Ça pouvait pas bouger. Tous ces bois là sont pourris sinon. J'ai vu comme ça 100 m de galeries d'écrasées, hein.

F.M. : Y'avait des postes du matin et de l'après-midi ?

G.L. : Oh, ben oui. Les 3x8 qu'on a fait là-dedans. Y'avait des équipes qui faisaient les boisages, d'autres tiraient le charbon et d'autres la pierre. On était 2 par galerie quoi.

F.M. : Dans le plan incliné, y'avait deux voies ?

G.L. : Non, une. En haut oui, y'en avait deux. Y'avait une voie de garage. Quand on arrivait là avec les wagonnets, on les mettait dans la voie de garage et les vides arrivaient de l'autre côté. Et ça repartait.

F.M. : OK. Avez-vous souvenir d'un grave accident ?

G.L. : Oh !… J'ai sauvé des gars de justesse parce que je travaillais dans un angle comme ça. Le gars était à côté. J'ai entendu un bruit, j'ai été voir. Ça s'était effondré. Le gars il était tout ouvert d'ici, là (côté droit du visage), jusqu'à l'os. J'ai eu le temps de lui envelopper la tête. Ben… même Louis Bourigault il a été pris dans un éboulement.

F.M. : Il me l'a raconté oui. C'était le problème ça, parce que le grisou c'était pas…

G.L. : Ben le grisou… J'ai vu, si, une galerie où qu'on a tombé. Je travaillais avec un nommé Baranger. C'était un retour d'air à 137. Je faisais un percement pour rejoindre le niveau de dessus. Et pis tout d'un coup, je tombe dans le vide. C'était brûlant là-dessous. Je dis : qu'est-ce que c'est que ça ? Tout d'un coup, hop, on s'est endormi comme des mouches. J'ai vite réagi. Je dis : hop, faut s'en aller d'ici. Et pis tout de suite on a fait appel à l'ingénieur. Pis bah, il a dit : allez, on ferme la galerie et pis de l'eau là-dedans. Il m'avait donné deux jours de congés pour ça.

F.M. : Et euh… Les conditions de travail ?

G.L. : Oh ! C'était dur hein. Ben Bourigault, il était délégué du personnel. Ah oui, hein. Ils pouvaient pas nous donner… chez Bessonneau. Y'avait un truc là-dedans, j'sais pas.

Mme Landebrit : Les salaires n'étaient pas… à part le charbon et le morceau de bois tous les jours.

F.M. : Ah oui ! Les raccourches.

G.L. : 30 cm de raccourche, oui. Et 250 kg de charbon par mois. Pis des fois, les gars ils sciaient du bois neuf (sourire) mais le contremaître les attendait.

F.M. : D'accord… Alors racontez moi précisément comment se passait l'extraction. Vous cherchiez une veine…

G.L. : Ah oui. C'était pratiquement qu'une mine de recherche, les Malécots. Fallait compter au moins 11 recherches avant d'en trouver une moyenne. Y'avait beaucoup de pierre quoi. Pis une fois qu'on avait trouvé une veine, ben on la suivait. Quand c'était en pente comme ça, ben on la suivait à pied. Pis des fois c'était en hauteur. Après, on coupait le charbon. Pis après, toute la pierre pour faire la galerie. Fallait tirer tout ça. Y'avait des fois des machines qui faisaient 3 m de large. Ah bah, on faisait une galerie là-dedans. Pis j'en ai vu des éboulements là-dedans. Oh là là ! Moi je faisais beaucoup de plans inclinés, à remonter comme ça, en cheminée. C'était plus mon travail. Je perçais à remonter. Et j'abattais tout le charbon qui tombait dans les trémies en bas. Pis dans la galerie principale, ça tombait dans les wagons.

F.M. : Et pis dans le puits là, c'était boisé comment ?

G.L. : Tout au carré. Pis y'avait deux guides sur le côté et la cage glissait dessus. Y'avait des systèmes de freins parce qu'en cas de coupure de câble, y'avait deux tenailles qui serraient sur le guide. Le train d'échelle était à côté. De 5 m en 5 m. Quand y'avait une panne de courant ou n'importe, on montait les 85 m avec les échelles.

Mme L. : Pis fallait pas arriver au travail en retard.

G.L. : Oui, on descendait à 6h. Les gars qu'arrivaient à 6h15, la cage ben… c'était fini. La cage, après, elle servait uniquement à remonter le charbon pis les wagons quoi.

F.M. : C'était du charbon de bonne qualité ?

G.L. : Le charbon brut, oui. Des beaux blocs de charbon, ça faisait du volume quand on mettait ça au feu, hein.

Mme L. : J'aime mieux vous dire que la cuisinière, la rondelle elle se soulevait comme ça ! Tout le fond était souvent changé ; on mettait souvent de la terre glaise. Tout le foyer était rongé par le charbon, hein. On nous livrait des blocs quoi. Moi j'suis jamais descendu. Mais ton frère hein ?

G.L. : Ah oui, mais c'était pas aux Malécots. Parce que j'ai commencé en 45 aux mines de St Aubin, là.

F.M. : Attendez, je dois avoir un plan là. Les Bruandières : c'est ça ?

G.L. : Oui c'est ça, je cherchais le nom. Je suis rentré le 1er Octobre 45. Cette mine là, elle se tenait en flanc de coteau.

F.M. : Il reste encore des vestiges ?

G.L. : Oh non, y'a plus rien. J'y ai travaillé de 45 à 47. Pis j'ai rien touché là-dessus, pour ma retraite. Le patron, il a exploité les ouvriers comme ça. Il a tout ramassé. C'était du charbon pour l'Anjou, pour le chauffage. Voilà, pis moi j'suis parti aux Malécots en 47. Ça a du fermer en 48 je crois. C'était vraiment en flanc de coteau, un petit peu au-dessus du Layon quoi. Ça s'en allait jusqu'aux coteaux en haut. Comme chez Gousset en haut. Y'avait un puits d'aération. Mais ça tenait pas beaucoup, hein : c'était presque à flanc de terrain. J'en ai vu des éboulements là-dedans. Les gars tombaient dans leur brouette et tout le terrain venait sur eux. Ils étaient enfouis jusqu'au cou. […]

F.M. : Et les mines de Désert et de La Prée, vous pourriez m'en parler ?

G.L. : Ah ben non. Ça a fermé en 14 ça. J'étais pas né ! J'sais pas plus. Je crois bien qu'on voit encore un bout de puits. […]

F.M. : Vous êtes, avec Louis Bourigault, les deux derniers mineurs de Chalonnes.

G.L. : Ben pour dire mineurs oui. Y'en a d'autres, mais qu'ont fait 3 ou 4 ans quoi. J'm'en sors avec une maladie quand même, hein.

F.M. : Vous vous protégiez des poussières tout de même.

G.L. : Ben c'est à dire… Quand arrivaient les années 50, 52 là, ça commençait à s'améliorer pour ça justement. Avant, on faisait tout au sec comme ça. Après, on a fait le minage à l'eau. On avait deux bonbonnes qui nous suivaient derrière pis l'eau rentrait à mesure qu'on forait quoi.

F.M. : Et le masque ?

G.L. : Ah oui. Ben c'est ça qui m'a sauvé aussi parce que je l'ai eu beaucoup. Pis les gars, ils le prenaient jamais leur masque. C'était un masque à air et pis une éponge au bout.

Mme L. : Pis il la lavait tous les soirs. Elle était noire…

F.M. : Vous n'avez pas d'autres souvenirs qui vous ont marqué.

G.L. : J'sais pas. Mes lampes. J'en ai perdues pas mal dans les éboulements quoi. J'avais fait une fois une cheminée, comme ça. Une petite cheminée de ma grosseur quoi (50, 60 cm de diamètre). On montait là-dedans pour faire un percement. Bah oui mais, plus que je montais, plus que je voyais que ça allait s'écraser. J'ai eu le temps de sauter en bas me mettre dans un petit cagibi en bois. Heureusement que je ne suis pas resté, sans ça je ne serais plus là. J'aurais été écrasé.

F.M. : A aucun moment vous ne vous êtes dit : je ne peux plus rester à la mine ?

G.L. : Oh non. J'aimais mon travail. On était habitué. Quand j'suis rentré chez Bernier (pressoirs Vaslin), c'était dur.

F.M. : Vous n'aviez pas d'autres activités à côté de la mine, l'après-midi des fois ?

G.L. : Je me reposais. On se levait à 5h le matin, hein.

Mme L. : Explique le coup où tu t'es levé à minuit…

G.L. : C'était… J'étais jeune à ce moment là. Alors je regarde et je m'dis : Oh ! Bon sang il est 6h ! Il est grand temps. Je prends mon vélo pour aller à la mine. J'arrive à la chapelle et je voyais la mine en face. Je dis : comment ça se fait que la mine, c'est pas éclairé. J'avais même pas eu le temps de prendre mon café, rien du tout. Quand j'arrive – je regarde l'heure – oh bah je dis : c'est minuit, c'est pas pareil. J'avais pris ça pour 6h moi ! J'ai perdu ma journée du lendemain parce que j'ai dormi. Pis quand on perdait une journée de travail, on perdait gros hein. […]
Et pis les mines là-dedans, comment vous expliquer ça. Il me faudrait un crayon (il fait un croquis…)
Et pis ça partait successivement. Après, on chargeait ça à la pelle dans les wagons.

F.M. : Et les puisards, la pompe fonctionnait tout le temps ?

G.L. : Ben, c'est à dire, y'avait un niveau. Pis quand l'eau montait, ça déclenchait la pompe et pis elle se mettait en route. C'était automatique.

F.M. : Et pour le treuil, expliquez-moi comment ça marchait.

G.L. : C'était un gros moteur. Alors il descendait le wagon. Pis le gars qu'était en bas, il accrochait le wagon. Il changeait pis il en remettait un plein. Y'avait toute une rangée de wagons qu'attendaient quoi. Pour le remonter, il tirait sur une sonnette : ding! ding! deux coups. Ça voulait dire au gars de monter. Pis un coup, c'était arrêter. Pis 3 coups descendre. Pis 6 coups, c'est le personnel ça (les mineurs). On remontait en s'accrochant au treuil : l'ingénieur nous l'avait autorisé.

F.M. : D'accord. Vous souvenez vous de la première fois où vous êtes descendu au fond ?

G.L. : Oh ben non. J'ai pas eu peur en tous cas. On mettait 3 minutes pour faire 85 m. Après, on descendait beaucoup par le câble – au plan incliné – mais y'avait une rampe, oui. Enfin non, c'était pas une rampe. C'était le tuyau d'air comprimé. Alors on le prenait et pis les deux pieds sur les rails et vzzzz… on descendait comme ça. Enfin moi en tous cas.

F.M. : Parlez-moi de vos porions.

G.L. : Bah c'était Berland. C'était un dur. J'étais avec lui quand il est passé contremaître. Il était pas porion, hein. Le porion c'était Mr Fourmeau, l'ingénieur. Il faisait tout lui, il dirigeait. C'était avec lui que je faisais des percements. Mais des fois il se trompait hein. Pourtant c'était son métier de savoir où était le charbon. On se retrouvait des fois dans des vieux travaux. C'est là-dedans que j'avais été surpris par le gaz, que j'm'étais endormi. Ça sentait le chaud ! J'avais un mal de crâne le lendemain. C'est pour ça qu'il m'avait donné deux jours.

F.M. : Une fois remontés, vous alliez droit aux douches.

G.L. : Oh oui ! Tous les jours. Y'avait un baraquement. C'étaient des douches… un bout de pomme pis un tuyau. L'eau chauffait à côté dans les machines. C'était pas du moderne.

Mme L. : Les pantalons, quand fallait les laver : c'était noir ! Oh, la la !

F.M. : Le bonhomme revenait blanc lui !

G.L. : Oui. Mais par la sueur, le trou des yeux, toujours ça ressortait. J'ai encore des marques là (blessures sur les bras et les mains), des p'tits points noirs.

F.M. : Vous utilisiez des marteaux perforateurs ?

G.L. : Oui. C'était un engin long comme ça (environ 1m) et pis au moins 1.20m de barre en plus, le foret quoi. C'étaient des forets à diamants pour que ça rentre dans la pierre. Pis en dessus, en plus, ben y'avait un poussoir à air comprimé qu'on branchait dessus au milieu. Ça soutenait le perforateur et pis ça aidait à enfoncer. Mais ça secouait beaucoup hein, oh la la ! Pis extraire le charbon, c'est pareil. Quand c'était trop haut, on mettait des couloirs de 10-15m de long, les uns après les autres. Pis tout le charbon s'en allait là-dedans. Ça tombait dans le bas, dans les trémies. […] (présentation d'une photo : le contremaître Prud’homme devant l'entrée de la mine de St Aubin). Enfin, on aimait notre boulot.

Mme L. : Ah bah ! D'habitude il ne parle pas beaucoup. Mais quand il s'agit de la mine, j'aime autant vous dire que… Quand il a quitté la mine – comme il était silicosé (35% à ce moment là) – ben c'était une loi du Général De Gaulle. Il a eu le droit à toucher sa demi-retraite après 15 ans de travail. Ça l'a fait partir à 35 ans chez Bernier.

G.L. : Bah j'ai fait que 2 boîtes dans ma vie ! (sourire)

Mme L. : Enfin la silicose, ça peut faire qu'empirer. Il est rendu à 70%. Heureusement il a jamais fumé et il ne boit pas beaucoup. Il emportait toujours son thermos de café, hein ?

G.L. : Bah j'ai vu des équipes, moi, descendre l'après-midi comme ça. Des gars, ils venaient complètement saouls. J'ai vu des gars – deux mineurs – tous les deux brûlés. Quand ils se sont mis à percer les 12, 13 mines, et ben un gars bourrait les mines dans chaque trou et l'autre gars repassait sans le vouloir et il en bourrait autant. Et bah, je me trouvais une fois dans l'angle d'une galerie quand ça a pété. Et ben tout mon casque a volé en l'air. Ça m'a sonné la tête, oh la la ! […] On tirait peut être 20 tonnes par jour. Y'a des années où y'a eu des bons rendements.

F.M. : Et fallait entretenir toutes ces galeries ?

G.L. : Oh oui ! Des fois ça pétait : paf ! Paf ! Fallait remplacer. Y'en a qui faisaient que ça. J'en ai relevé des galeries comme ça, oh la la ! 25 - 30m de galeries qu'étaient écrasées.

F.M. : Alors, quelles étaient vos techniques de boisage ?

G.L. : Bah ça dépendait de la grosseur de la galerie. Des fois, y'avait mettons 2.50 m de large et 1.50 m de haut. Y'avait toutes les hauteurs, hein. J'ai vu, moi, juste enlever mon casque pour passer la tête (sourire). Pour boiser, alors on faisait une entaille sur la bute et sur le chapeau et ça s'emboîtait dessus comme ça. Les butes étaient enfoncées de 15-20 cm. Comme les butes étaient un peu en biais, ça pouvait pas revenir. Pis j'ai vu, moi une fois, une galerie qu'était complètement éboulée : on aurait dit une vraie carrière sur au moins 300 m de long. Alors là ils avaient boisé – on aurait dit un œuf – avec des bois et des chandelles pour retenir. Ça faisait beau quand c'était fait, hein... J'en ai perdu des outils dans des éboulements. Oh la la ! Des lampes, des pioches, des piques… J'aurais bien aimé garder une lampe. Sinon j'avais des lampes accrochées au casque. Les piles étaient à la ceinture. J'avais ça quand je faisais des cheminées. C'était dangereux, on faisait des cheminées complètement verticales. Fallait perforer là-dedans hein. C'était pour faire des retours d'air tout ça, pour rejoindre deux galeries. On boisait pas là-dedans : j'avais juste de quoi passer mon corps, dans la pierre. Alors je faisais des trous de chaque côté des parois pour mettre une traverse, je mettais les pieds dessus. Pis allez hop ! Je montais comme ça à chaque fois. C'était un travail de bagnard. Maintenant j'en aurais peur ! Faut l'avoir vu pour y croire. J'avais les reins solides ! Un jour, j'étais pris dans un éboulement comme ça. A 2 cm j'avais les reins coupés. Je perçais je sais plus quoi, pis, tout à coup – pouf – tout ça s'est écrasé sur moi. Je criais : au secours. Pis Fourmeau est descendu en vitesse et m'a tiré pis m'a ramené au jour. Eh oui !

F.M. : Eh bien, merci beaucoup de m'avoir reçu.