RENCONTRE
avec
LOUIS BOURIGAULT


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Le discours et le style n'ont pas été modifiés. Aussi, pour plus de compréhension, des indications sont données en italiques et entre parenthèses.

Entretien avec Louis Bourigault (mineur de 1949 à 1964 aux Malécots).
La Gourdinière (St Aubin de Luigné), le 21 Avril 2000.

( Louis Bourigault est devant sa table, avec un plan de la mine des Malécots. Il m'indique du doigt les galeries. )

Louis Bourigault : On descendait jusqu'aux galeries par le puits. Là, c'est l'étage de 85. Au fond, c'était bétonné. Après, on descendait un plan incliné. A 95 m, c'est la première galerie. Et après, la galerie de 107 est en dessous.

François Martin : Les veines étaient verticales ?

L.B. : Voilà.

F.M. : Comment faisiez vous pour gratter ces veines ?

L.B. : Fallait aller en cheminée, comme ça. On échafaudait au fur et à mesure qu'on remontait. On échafaudait sur nos boisages.
Et pis alors après, y'a 117. Après 117, le plan incliné continuait jusque là. Après, c'était la galerie 137. On a longtemps resté là, une galerie partait en travers-banc en recherche. Quand tout fut exploité, ils ont prolongé le plan jusqu'à 200 m. Donc y'à 85, 95, 107, 117, 137, après, 200 m. Y'avait aussi des descenderies, bien plus qu'un plan incliné, ça descendait presque à l'aplomb.

F.M. : Comment faisiez-vous pour descendre le plan incliné ?

L.B. : Fallait descendre à pied. Y'avait des colonnes d'air et y'avait des rails, forcement, pour les wagons. On prenait la colonne d'air, on mettait les deux pieds sur les rails et zou… . Pour remonter, eh, y'avait une rampe, un tire-main quoi, comme un escalier. Et pis on remontait comme ça. Des fois, ça nous arrivait de remonter autrement. On disait au gars du treuil de tirer, on s'accrochait aux câbles et pis il mettait le treuil en route. Mais c'était interdit.

F.M. : Mais pour descendre au fond ?

L.B. : C'était comme un ascenseur. C'était une cage. Pour commencer, au début, on descendait à 8. Mais 8, c'était trop serré. Parce qu'ils mettaient des barrières, de chaque côté, pour pas qu'on tombe. Après, 8 ils ont dit que c'était trop, on descendait plus qu'à 6.

F.M. : Si je comprends bien, y'avait qu'un seul niveau. Et ensuite, ça descendait en plan incliné.

L.B. : Oui, c'est ça. Alors ça, c'est un puits (il nous indique l'autre puits), mais un puits de retour d'air. Y'avait le puits d'extraction qu'était là, pis 30 ou 40 m plus loin, au même niveau (du sol), y'avait un puits d'aération qui n'allait que jusqu'à 45 m. Toutes les eaux usées s'en allaient vers les vouzeaux, c'est là, là. Y'avait une grande galerie, une ancienne galerie qui datait du vieux puits – c'était le puits des Malécots aussi, mais qu'était beaucoup plus profond – c'est tout voûté comme ça, et c'est briqueté. On est passé par là des fois avec le père Berland. Mais alors, fallait passer comme ça (il s'accroupit), le derrière dans l'eau.

F.M. : Ce qu'on voit maintenant, encore, ce qui reste sur le carreau : c'est quel puits, le puits qu'on voit qui est entouré de grillage ?

L.B. : Ah bah ! Attention, ça c'est aut'chose, ça c'est le vieux. Ça date de 14-18.

F.M. : Ah oui d'accord. Et le puits, celui-là, il est…

L.B. : Celui-là, il a été ouvert pour Bessonneau en 44. Ça a fermé en 64. L'autre, c'est beaucoup plus vieux. Il a été laissé celui-là. Quand la mine a été ouverte pour Bessonneau, c'était pour faire tourner ses machines. Y'avait 6000 ouvriers à ce moment là chez Bessonneau. Ils faisaient des câbles, des filets… Fallait du charbon. Après la guerre, ils venaient le chercher là. Mais l'aut'puits, il date de 14-18. Enfin, d'après les anciens plans. Et ça a fermé parce qu'il y a eu un coup de grisou. La mine a été j'sais pas combien de temps en feu. Pis après, ils sont jamais redescendus. Y'a un homme qui est de reste au fond de la mine et dont, soi-disant, l'enterrement a été fait sur le puits. Y'a un homme et un cheval, et du matériel aussi. Quand ça a rouvert en 44, on l'a pas rouvert justement là. On l'a rouvert plus loin. On revenait jamais dans cette direction là, on aurait pu tomber dans les anciens travaux.

F.M. : Le dernier a donc été totalement rebouché.

L.B. : Oui, il reste juste une petite maisonnette.

F.M. : Là, c'est la route (je montre un plan des Malécots, tels qu'ils sont maintenant). Là, c'est donc le puits de 14-18 ?

L.B. : Oui, d'après ce que j'ai entendu dire : 375 m de profondeur. Et c'est possible, parce que ce terrain là j'l'avais acheté, moi. Donc j'avais le vieux puits. Et avec mon gars, y'a de ça 6 ou 7 ans, on avait sondé avec un lancé et on avait descendu comme ça. Il faisait encore 50 m de profondeur. Mais on n'était pas au fond. Y'avait des saletés.

F.M. : Donc là, ce qu'on voit maintenant : c'est la petite maisonnette ?

L.B. : Oui, ben le puits se trouvait devant, à peu près à 30 m de ce bâtiment là.

F.M. : Oui. Bon, là il reste un bout de transfo. Le puit était donc par là ?

L.B. : Oui c'est ça. C'est cimenté maintenant devant cette cabane là. Ils mettent le marc de raisin. C'était le carreau qu'on appelait. Le puits était là. Les wagons se déchargeaient là, et le charbon était trié sur le carreau. Là, on avait les bâtiments : l'atelier, le matériel, les douches et les vestiaires. Y'avait un passage et c'était les douches des contremaîtres. Y'avait les bâtiments de la forge, des compresseurs et le treuil du puits. Y'avait un chevalement sur le puits.

F.M. : Au niveau des machineries, y'avait une machine pour le treuil et y'avait une pompe d'exhaure aussi ?

L.B. : Des pompes, y'en avait au fond. Y'avait des puisards comme on voit ici. Et sous la cage, y'avait un puisard qui récupérait l'eau des 60 (étage intermédiaire de 60 m pour l'aération et l'exhaure). C'était de l'eau très claire, comme de l'eau de source. Cette eau là, elle remontait au jour pour les douches. Parce que c'était de l'eau propre. Et toutes les eaux usées étaient pompées avec d'autres pompes qui s'en allaient par les vouzeaux, dans le marais d'Ardenay.

F.M. : C'étaient des machines électriques ?

L.B. : Oui, électriques. Par contre, au fond, on n'avait pas l'électricité. Ah non, c'était défendu. C'était à air comprimé. C'était les compresseurs qui nous envoyaient de l'air. On avait des lampes, comme ça (il indique son plafonnier), mais à air comprimé. On voyait aussi bien que ça, c'était des grosses lampes.

F.M. : Les galeries n'étaient pas éclairées ?

L.B. : Sauf dans les endroits… Au puits, où était la réception, là c'était éclairé parce qu'il y avait un truc qu'était presque aussi grand que ça (il montre la pièce, environ 20 m2) où le gars il était. Il récupérait ses wagons de charbon et de schiste, qu'il mettait dans la cage pour le faire remonter. Pis après, le wagon il le reprenait pour le mettre au treuil. C'était un va et vient, quoi. Tout le temps. Dans cette galerie là (avant le plan incliné), y'avait deux voies, une séparation au milieu. Y'avait une voie ici, séparée au milieu avec des chandelles, des bois, et pis une autre voie à côté. Mais qui se rejoignaient au plan (incliné). C'était comme dans les gares, y'avait des aiguillages.

F.M. : Vous m'avez parlé de lampes, c'était quel genre de lampes ?

L.B. : Ah ben, nous on avait des lampes comme ça (il prend la lampe sur la cheminée). C'était des lampes à piles. Des piles qui se rechargeaient. La pile était là dedans (il la démonte). Alors, le lampiste, quand on remontait du fond, il ouvrait la lampe, il remettait les piles à charger et pis le lendemain matin, il remettait les piles dans les lampes et nous, on prenait un numéro. Moi, j'étais le numéro 25. Quand on prenait la lampe, il accrochait le jeton. Comme ça, il savait que le gars était là. Il se disait : Tiens ! Le gars est absent, il reste la lampe. Pis autrement, on avait des lampes à essence pour détecter le 'gaz'. On s'en servait beaucoup. Y'en avait une ou deux par chantier, c'est tout. Des lampes qu'étaient bien renfermées. Si elles s'éteignaient, fallait remonter au jour.

F.M. : Vous avez parlé de lampes à air comprimé. C'était quoi ?

L.B. : C'était ni plus ni moins comme de l'électricité. C'était des grosses ampoules comme ça et pis ça faisait un bruit : vzzz… . Et pis, c'est les compresseurs qui faisaient marcher ça. C'était comme les marteaux piqueurs qui marchaient à l'air comprimé, c'était pareil.

Gérard Manceau : J'vois pas comment ça pouvait marcher.

L.B. : Ben, il devait y avoir un système dedans parce que des fois elle grillait. On la faisait remonter au jour pis ils nous en renvoyait une autre. Je peux pas expliquer, ça.
(discussion pour savoir comment fonctionnait une telle lampe)
[…] Tout au début de la mine, y'avait l'électricité. Moi, j'suis rentré en 48. Elle a commencé en 44, ça faisait 4 ans que ça existait et y'avait l'électricité au fond. Et les gars avaient le droit de fumer au fond. Mais un jour, il s'est produit une chose : y'avait deux gars qu'étaient en train de travailler dont un qu'était sur un plancher avec du charbon en poussière, parce qu'il y avait beaucoup de charbon en poussière, forcément. Et l'autre, il était en dessous pis il lui dit : Mince, j'ai pas de feu, t'as pas du feu ? L'autre au dessus – qu'était à 2 m au dessus – il prend le briquet : Bam ! Coup de grisou (explosion de poussière ?). Tout le monde est remonté au jour. Y'avait beaucoup de polonais et de tchèques. Ils sont remontés par les échelles : hé ! la cage, fallait qu'elle soit là, elle n'était pas toujours au fond. Et d'après le comptable, toute la peau des mains était collée sur les barreaux d'échelle. Y'a un gars qu'en est mort à la suite de ça. A partir de ce jour là, l'électricité avait été supprimée partout et pis, interdit de fumer. On pouvait descendre du tabac, mais fallait chiquer. Pas de fumée. C'était pour la sécurité de tout le monde.

F.M. : Y'avait beaucoup d'accidents ?

L.B. : Pas beaucoup, mais y'en a eu. Moi même, j'ai été accidenté. J'étais enfoui sous un éboulement pendant 35 ou 40 min. Y'avait 7 jours que je travaillais à la mine. Je vous dis, il en a passé beaucoup dans ma tête en peu de temps. Je croyais bien y rester, hein. Je connaissais rien dans le boulot moi. Y m'avait mis – ben c'était Berland – y m'avait mis là, avec deux gars. Tu vas remblayer qu'il m'avait dit. Je prenais la pelle et je remblayais. Parce que quand on grattait une taille de charbon, on en remblayait une partie et on laissait juste un passage. Parce que si on remblayait pas, ça pouvait s'écrouler même si c'était boisé. Alors là, le tors qu'ils ont eu les gars qui travaillaient avec moi, c'était des mineurs d'occasion, ils avaient mal travaillé. Parce que, c'est difficile à expliquer, on boisait à peu près tous les mètres, 80 cm, selon que le terrain était solide. En fait, on mettait deux bois debout, comme ça et pis un chapeau qu'on disait, entaillé pour pas que ça revienne. Mais entre tous ces bois là, on mettait des poussards, pour pas que, si y'avait des gros amas de remblai devant, que ça couche les boisages. Et pis là, les gars ils avaient pas mis de poussards. Rien du tout. Alors, je remblayais pis d'un seul coup ils se sont retrouvés près d'un ancien chantier qu'était remblayé, Berland il s'en rappelait plus, on traversait et d'un seul coup tout le charbon s'est ramené, et pis la caillasse avec, et pis bah, ça a couché tous les bois et pis moi je suis resté en dessous. J'ai été 4 mois arrêté. Après j'ai dit : oh, je recommencerais jamais à la mine. J'suis retourné à la mine et pis Gennouillac, l'ingénieur en chef qu'était le principal à ce moment là, il a dit : J'vais vous laisser au puits. Alors j'étais au fond du puits et là, c'était bétonné, on craignait rien. Fallait que je pousse les wagons quand même jusqu'au treuil, là. Alors des fois, dans la galerie qu'était boisée ça craquait : oh bah ! J'étais vite reparti. Et pis j'me suis fait. Et pis après, je suis redescendu au fond. Heureusement, j'suis tombé avec des gars que je connaissais depuis longue date, qu'avaient de l'expérience. C'était vraiment des gars comme ça ! C'était à l'étage de 137, une galerie qu'on avait tracée et qu'on n'exploitait plus. Et comme ça faisait longtemps qu'on n'avait pas travaillé dedans, les réparations n'étaient pas faites et y'avait des éboulements qui faisaient peut être 50 m de long. Vous allez pas me croire mais, quand on arrivait au bout et qu'on sortait de la galerie et qu'on voyait tout l'éboulement comme ça… Oh la la ! J'ai dit à Totor Jamin : c'est pas là-dedans que tu vas me faire travailler. Et bah, il a dit si. Il a dit : j'va t'expliquer. Tu vois quand on arrive au chantier, on pose déjà les musettes… , et pis il dit : quand t'entends une clochette, comme ça, "pic !" ; la première clochette il dit, c'est un avertissement. La deuxième, c'est un avertissement. La troisième, faut te reculer en vitesse. Oh bah, ça avait pas tardé beaucoup parce que, un quart d'heure après, il dit : tiens ! T'as vu cette p'tite clochette là, qui descend. Un p'tit bout de charbon comme ça. Il dit : ben, faut se reculer. On se recule de 20 à 30 m et vlaaammmmm… le remblai. On appelait ça des soucoupes volantes comme ça, des grandes plaques de schiste, noires, on aurait dit du charbon mais c'était des plaques de schiste. Et pis, ça vous aurait fauché les pattes hein ! Alors, pis ça faisait comme de l'orage, on entendait ça : vlammm… slouf. Bon ben, on retournait les wagons et pis on recommençait. Oui mais pour finir, on montait toujours. Et pis quand fallait faire des dames là-dedans, ce qu'on appelait des dames, c'étaient des bois comme ça (en forme de carré), en sapin de 2.50 m, on faisait des dames jusqu'en haut. Ça devenait impossible. Mais j'me suis fait.

G.M. : Tout le charbon que vous remontiez n'était pas bon ?

L.B. : En principe, si, tout ce qu'on remontait était bon.

G.M. : Il était trié où alors ?

L.B. : Au jour, y'avait pas beaucoup de déchets. Y'avait quelques petits cailloux, petites caillasses mais non, non.

Pierre Boisnard : Ils devaient mettre les p'tits morceaux d'un côté, les gros de l'autre ?

L.B. : Oh non, non. Y'avait, mettons, 5 à 10 tonnes. Bon, bah les gars qu'étaient en bas, ils triaient pour les ouvriers parce qu'on avait le droit à 200 kilos de charbon par mois, et pour les patrons. Pis tout le reste s'en allait chez Bessonneau. Y'avait un camion qui roulait tous les jours pour Bessonneau. […]. Dans les travers-bancs, pour la recherche du charbon, c'étaient des cailloux. Dans les travers-bancs qu'on prolongeait de 50 à 100 m ou plus, y'avait des fois un p'tit filet de charbon, justement qui rattrapait toutes ces grosses veines là. A 200 m, on remontait jusqu'à l'étage de 107 comme ça, mais en cheminée. La première taille de charbon, fallait la prendre en bas pour remonter jusqu'à la galerie supérieure. Et quand on avait fait un montage comme ça, 2 à 2.5 m, y'avait des fois épais comme ça de charbon (environ 30 cm) et pis 3 m plus haut y'avait épais comme ça de charbon (environ 1.50 m) et des fois y'en avait 5 m de large. Là, fallait prendre en deux fois. Et moi, j'ai passé dans des endroits – heureusement que je n'étais pas gros – de travers, j'étais obligé de prendre mon piqueur d'une main et de piquer sur 4 à 5 m. Et d'un seul coup, hop, le charbon il s'agrandissait. Oh ! Ça y'est, une belle taille de charbon. Et pis des fois, ça devenait trop large. On prenait à deux fois. Là, fallait boiser comme il faut parce que c'est pas facile, hein. Quand on avait fait ce premier montage là, après on prenait tout à descendre, dans la galerie supérieure. Mais avant on remblayait une partie du bas. On laissait juste un passage de 70 cm. Le schiste, tous les cailloux, au lieu de remonter au jour, ils servaient à remblayer, pour tenir. Et pis après, y'avait une trémie en bas, dans la galerie du dessous, et tout le charbon qu'on prenait dans la taille d'à côté, il descendait en bas. Y'avait un gars qui venait, on remplissait la trémie, il ouvrait la porte, hop. Et ainsi de suite comme ça, tout le temps. Ah bah ! C'est un sacré boulot mais, on explique, c'est difficile à voir. Celui qu'a vu au moins une fois, on peut lui expliquer. Mais, c'est vrai, c'est pas idéal.

F.M. : La première fois que vous êtes descendu au fond, vous vous souvenez ?

L.B. : Oui, mais j'avais pas d'appréhension tellement. La première semaine de travail, c'est dur. Parce que j'en ai vu des gars passer à la mine, pas mal hein ! Y'en a plusieurs qui descendaient le matin, à 10 h ils montaient au jour et pis ils n'en voulaient plus. Mais parce que aussi, attention, y'avait des feignants. Y'en avait qui voulaient rien foutre. Mais le gars qui descendait comme ça, il disait : c'est pas possible, jamais j'y resterai longtemps là-dedans.

G.M. : Ben oui, ça commençait à quelle heure le matin ?

L.B. : 6h du matin. On descendait à 6h, de 10h à 10h25 on avait un casse-croûte au fond.

G.M. : Vous remontiez vers 1h30, 2h.

L.B. : Oui 1h30, 2h moins le quart. Y'avait que le porion qu'avait le droit de remonter au jour pour casser la croûte. Mais nous, on cassait la croûte en bas. Alors, de 10 à 10h25, la croûte, on recommençait et à 1h30, on remontait. C'était tout le monde au jour à 2h. Ça nous faisait guère que 7 heures à travailler. On avait un quart d'heure de lavage, une demi heure de casse-croûte.

F.M. : Et puis l'après-midi alors ?

L.B. : Bah c'était les 2x8, hein. Y'avait une autre équipe qui descendait.

F.M. : Oui mais vous, quand vous étiez sortis, après, vos occupations ?

L.B. : C'était tout de suite de passer aux douches. On s'en allait chez soi pour casser la croûte et pis on faisait un p'tit somme et pis, souvent, moi je refaisais presque une demi-journée à côté. Soit j'allais en vendange ou bien en maçonnerie puisque j'étais maçon. C'était fatigant.

G.M. : Et c'était quoi le p'tit rondin qu'ils ramenaient tous ?

L.B. : Ah ! On était autorisé à ramener un p'tit bout de bois tous les jours. On n'avait le droit normalement qu'à 30 cm. Qu'il soit de n'importe quelle grosseur, fallait qu'il fasse 30 cm de long. C'est pour ça que, d'ailleurs, le père Berland, il attrapait les gars. Je leur ai dit plusieurs fois : vous n'êtes pas mariolles, les gars ! Ils disaient : tiens, on va scier les raccourches, parce que c'étaient des chutes normalement, des chutes de boisage. Mais fallait pas prendre des bois trop longs. Nous, on prenait des bois de 3 m pour faire des bures de 2 m, 2.50 m. Berland, il disait : regardez la perte que ça fait ! Bah, fallait bien qu'on se débrouille. On n'allait pas emmener du bois pourri quand même ! Alors les gars, ce qu'ils faisaient : y'avait un beau bois de 2.50 m comme ça, juste à côté des gars qui travaillaient, et pis Berland, il était mariolle, il avait pris son mètre et pis il avait fait un trait comme ça sur le bois. Les gars, ils s'en sont pas aperçus, ils scient 5 ou 6 raccourches de 30 cm. Bah oui, mais Berland, il est revenu après et le bois il était plus là. Il a dit : tiens, y'en a peut être qui s'en sont servis pour boiser. Les raccourches, on les faisait remonter sur les wagons de charbon. Quand il a vu ça, il les a toutes prises, il les a mises l'une au bout de l'autre, il a reconstitué le bois. Quand les gars ils sont arrivés au jour, ils venaient prendre leur raccourche mais il était là. Vous aviez pas vu que j'avais fait un beau trait dessus qu'il dit. Ils se sont fait avoir. Moi j'en ai coupé du bois neuf, j'étais pas meilleur qu'un autre, mais j'disais aux gars qu'étaient avec moi : on en coupe une ou deux et on camoufle l'autre. Alors ce qui s'est passé, c'est qu'on a été un mois de suppression de raccourches. Eux, ils ont eu 50 F d'amende chacun. Oh ! Il s'en est passé à la mine, hein ! Mais, pour finir, moi j'vous dis, quand j'ai recommencé à travailler avec Victor Jamin, j'ai monté en catégorie. Forcément, parce que j'étais capable de travailler et je connaissais le boulot et ben, j'm'y plaisais bien plus que dans la maçonnerie. J'étais incapable d'en sortir. La mine aurait pas fermé, je sais pas si je serais sorti, hein. J'aurais resté plusieurs années. J'suis silicosé à 30% quand même.

F.M. : Vous étiez porion à la fin de la mine ?

L.B. : Oh non non ! J'étais en 6ème catégorie. J'aurais pu passer porion mais, (sourire) j'ai été délégué du personnel un bon moment, alors je disais trop franchement la vérité. Alors je devais passer porion mais Fourmeau, l'ingénieur, m'a dit comme ça : oh mais vous avez une trop grande gueule Bourigault. Ben j'ai dit : je m'en fous de votre place, ça m'est bien égal. Alors c'est un copain à moi qu'est passé porion. On était du même âge. De toute façon, j'ai dit: c'est pour défendre les ouvriers et tout, hein. Notre peau, elle vaut aussi bien que la vôtre !

F.M. : Vous ne vous plaigniez pas trop de vos conditions ?

L.B. : Ben, c'est à dire qu'au début, on était pas trop bien payé, hein. Pour finir, on était déjà mieux payé parce qu'on arrivait toujours à avoir une petite augmentation quand même. C'est parce que Fourmeau était bien vu de chez Bessonneau. Alors, quand on se réunissait au bureau : syndicats, tout ça… on disait à Fourmeau : faudrait de l'augmentation, hein ! Bon ben, j'vais en parler à Bessonneau. Pour finir, on était à peu près payé comme il faut. J'ai débuté moi, à 50 F de l'heure (anciens) et dans la maçonnerie, j'étais à 90 F de l'heure. C'était pas pareil. J'étais frais marié à ce moment là, alors heu… On touchait des acomptes de 60 c., avec ça on n'allait pas loin. Par contre, où j'ai gagné de l'argent, c'est à faire des travers-bancs, à faire des galeries pour la recherche des veines de charbon. Parce que là, on était aux pièces, au mètre d'avancement. C'était un boulot ça aussi, attention. On était payé, j'sais plus, 20 ou 30 F du mètre. Plus on faisait de mètres d'avancement, plus on gagnait. Je doublais mon mois à faire ça. Mais par contre, quand on remontait, on prenait la rampe comme ça (fatigué…) : est-ce qu'on va y arriver en haut, est-ce qu'on va y arriver ? On était crevé, hein. Parce que, aussi, fallait qu'on mine. Dans une taille de remblai comme ça, quand on tirait, on laissait. Et pis on revenait à 2h le lendemain, parce que ça, c'étaient les postes de l'après-midi et on remontait à 9h le soir. Bon ben, on crachait dans nos mains, on poussait le wagon et pis allez, hop, on chargeait le remblai. On déblayait comme ça 15 à 20 wagons de remblai de 500 kilos de caillasses pour dégager. Quand c'était fini, on cassait la croûte à 5h et demi. Après, c'était pas fini. On se mettait sur le marteau, sur le perforateur. On était comme ça jusqu'à 8h, 8h30 à perforer, faire le trou, on bourrait nos mines (chose qu'on n'avait pas le droit mais enfin, avec le porion on s'arrangeait). En fin de poste, quand on était pour partir, on tirait nos mines. Le lendemain on revenait, et ainsi de suite.

P.B. : Fallait encore savoir manœuvrer les mines !

L.B. : Oh ! Quand on a vu faire plusieurs fois. Mais fallait que ce soit des ouvriers de 6ème catégorie.

F.M. : Combien ça pouvait faire de long ce plan incliné ?

L.B. : Ben, j'sais pas moi. Plus de 100 m de long, hein. Mais le plan a été prolongé au fur et à mesure des besoins. Mais avant, y'avait une plaque tournante ici. Quand ils ont eu extrait le charbon par là, c'était plus valable. Ils ont supprimé la plaque tournante. On a foncé le plan incliné plus bas, un étage en dessous, pis ainsi de suite. C'est moi qu'a foncé de 137 à 200 m, là. C'est pareil, un plan incliné, c'est pas facile à faire. Parce que faut remonter tout, c'est crevant, hein.

F.M. : C'était vraiment incliné ?

L.B. : Oh ben, au moins à 35°.

P.B. : 35° c'est déjà beaucoup, hein.

L.B. : Les wagon qui montaient, ils étaient attachés au bas avec un câble et un crochet et ça prenait sur le bord du wagon parce que sinon le wagon, il aurait culbuté. Ça montait raide, hein. Ah oui. Y'avait un wagon qui montait plein, et pis quand il arrivait dans la galerie, le gars qu'était au treuil, il le poussait un petit peu plus loin, sur l'aiguillage. Pis le gars qu'était au puits, il venait le chercher. Pis lui, il prenait le wagon vide, qu'il raccrochait et qu'il ramenait au plan.

P.B. : Quand y'avait 500 kilos, ça devait être lourd à pousser aussi ?

L.B. : Non, oh ben non. Dans les galeries c'était à plat presque hein. Y'avait des rails au fur et à mesure qu'on avançait. On en avait, des petits wagons, mais principalement pour le remblai, le caillou. C'étaient des petits wagons en V, comme ça qui basculaient. Tandis que ceux-là – quand on mettait des cailloux dedans – c'étaient des berlines qu'étaient larges comme ça, et pis des roues à la hauteur du machin, des grandes roues. Fallait les culbuter à deux bonshommes.

F.M. : La mine a fermé en même temps que Bessonneau ?

L.B. : Oui presque. Je suis resté jusqu'au dernier jour en 64 (Février). Bessonneau a fermé 3 ans après, c'était plus le même système. Y'avait plus que 1500 ouvriers, ils n'avaient plus besoin de charbon. Le chanvre, il était plus cultivé. C'était le nylon qu'a marché.

F.M. : La mine de St Aubin ne lui appartenait pas ?

L.B. : Non, ça devait être de l'époque du vieux puits des Malécots. […] Des mineurs, y'en n'a plus hein. Je suis peut être pas le dernier tout à fait mais y'en n'a plus beaucoup hein. […] J'ai fait 15 ans au fond de la mine enfin, 15 ans et 2 ou 3 mois. Heureusement que j'étais délégué du personnel parce qu'à un moment, ils voulaient me mettre à la porte. Seulement, j'étais mariole, j'savais peut être pas bien écrire mais ma femme si. On a écrit à l'ingénieur en chef des mines de Nantes, et il m'avait répondu que comme j'étais délégué du personnel, je devais rester jusqu'au dernier jour. Je dis ça à l'ingénieur 2 jours après, il m'a dit : comment ça se fait? Je lui ai dit : on n'est pas plus bête que vous, hein. […] Au fond, il ne reste plus rien. On a presque tout enlevé : les rails, les échelles dans le puits, tout. On a presque tout sauvé, hein, on a tout remonté au jour. Les derniers temps qu'on travaillait, on n'était pas beaucoup (4 ou 5), c'est ce qu'on faisait. On sortait tout le matériel du fond. Matériel qui n'a jamais servi parce qu'après, c'est parti chez Bessonneau pis au dépotoir. Un compresseur qu'était tout neuf, ils avaient payé ça j'sais plus combien, et bien ça a parti à la ferraille. Pis nous, fallait pas qu'on prenne une pointe parce que … c'était interdit, hein.

F.M. : Le puits a été rebouché à la surface ?

L.B. : Le puits, lui, il est remblayé jusqu'en bas. Sur 85 m, il est remblayé. Y'a des cailloux dedans. Parce que le puits, il est boisé avec des bois carrés en chêne de 15x15. Pas à tout touche mais proches. Sur 85 m, c'est que des bois carrés. Y'a des endroits, sûrement que c'est pas écroulé, hein. Seulement c'est plein de cailloux. Y'a que le puits de 14-18 qu'a pas été remblayé. Y'a des gens qui sont venus jeter des saletés là-dedans. Je les ai vus, c'était à moi alors... La mine, elle était sur un terrain qu'était loué alors ils donnaient du charbon en location, enfin bon. […] On était quand même 45 gars à travailler dans la mine. Y'avait beaucoup de gars de St Pierre qui sont venus là quand leur mine a fermé (St Pierre Montlimar, mines d'or). […] Aux postes du matin, y'avait plus de monde. Le matin, on montait 30 ou 40 tonnes de charbon. L'après-midi, c'était pour boiser et pis pour les remblais, les travers-bancs. On était beaucoup moins, 6 ou 7 au fond. Le matin on était 26, 27 ou 28, ça dépend.

P.B. : Vous, vous faisiez une fois le matin, une fois l'après-midi.

L.B. : Non, pas obligé. Souvent, j'étais aux postes du matin. Mais quand j'étais aux postes du tantôt, j'y étais pendant 4 à 5 mois. Pis quand ils voyaient qu'on était trop fatigués, ils changeaient.

F.M. : Le boisage était partout le même ? Deux planches sur le côté et un chapeau dessus.

L.B. : Ah oui, partout. Sauf où c'était vraiment dur dur, on boisait pas. On sculptait une voûte, mais y'avait pas beaucoup d'endroits comme ça. Le puits était carré, enfin rectangulaire parce que y'avait le train d'échelle. Quand la cage était en panne, on montait par le train d'échelle. Tous les 5 m, y'avait un petit palier et les échelles étaient alternées. Alors ça arrivait bien souvent que Robert Berland disait : bon ben, les gars – on attendait des fois 5 à 10 min à la cage – bah ça vient pas ! Bon ben les gars (on avait le téléphone) faut remonter par les échelles parce qu'on n'a plus de courant. Quand fallait prendre les échelles, on mettait plus de temps le matin que le soir. Berland, il disait souvent comme ça : ah, les vaches ! Le matin ça traîne pour descendre mais le midi, pour remonter, ça va plus vite. On était mariole. Arrivé au dernier palier en ressortant, on s'arrêtait parce qu'on était en avance. Mais Berland il nous attendait et pis il nous écoutait. Il disait : ah, mes salauds ! Vous êtes partis avant l'heure. Bah dis, 85 m d'échelles ça refait les pattes après une bonne journée. Berland, il était dur. Moi, il m'a jamais dit grand chose. Il m'a juste foutu une fois un quart d'heure en bas parce que j'étais arrivé en retard. Il m'avait dit : faut que tu sois de bonne heure demain, parce que tu descendras avec moi pour détecter, parce qu'on n'allait jamais dans une taille de charbon avant que le porion n'ait passé pour détecter voir si y'avait du gaz ou aut'chose. Moi, j'arrivais jamais en retard, mais jamais de bonne heure non plus. Ce matin-là, par contre, j'étais à la bourre. Il m'a dit : bon ben t'auras un quart d'heure en bas. Je lui ai dit : mets moi donc une demi-heure si tu veux, j'en n'ai rien à foutre. Il m'aimait bien. Sauf quand je lui avais mis un coup de masse. Je lui avais donné un coup de masse sans le vouloir. Il disait rien, il s'était accroupi sur la cage. Plus fort, plus fort qu'il me disait. Ben oui, mais sans faire exprès je lui ai fichu un coup de masse sur le coin de l'œil. Il m'en a voulu après. Enfin bon, c'est toute une histoire.

F.M. : Vous n'avez pas souvenir d'autres accidents ?

L.B. : Ben j'y étais pas mais y'a un mineur qui s'est écrasé contre le puits. En fait, les gars ils remontaient et pis j'sais pas ce qu'il devait faire, mais y'en a un qui devait s'arrêter à l'étage des 60 m. Bon ben pour arrêter la cage, on tirait sur une ficelle et y'avait une sonnette : le gars du treuil comme ça il ralentissait. Parce que lui il voyait sur le câble, c'était indiqué la profondeur (85, 60 …). Et là, le mineur il avait pas arrêté la cage pour sauter à la galerie des 60. Ben ça a pas loupé, c'est lui qu'a arrêté la cage mais sans le vouloir. Ben dis, il avait cassé tout le boisage du puits, autour. Ah oui. Il est mort sur le coup. Enfin, moi, j'y étais pas. Le gaz, si, fallait y faire gaffe, hein. On avait la lampe, comme ça, et pis quand la flamme montait, ben c'est qu'il fallait remonter le plus vite possible : y'avait du gaz. Une fois, je m'en rappelle bien, on était revenu dans un vieux chantier et pis j'vois la flamme qui monte comme ça. Je dis : hé les gars, faut pas rester ici, regardez la lampe. On l'a échappé belle.

P.B. : Ah oui, parce qu'on ne le sent pas, le gaz ?

L.B. : Ben non, y'a juste la tête qui tourne, quand on monte dans la galerie. Parce que le gaz, il monte hein. Y'en a qui se sont fait avoir comme ça, la tête qui tourne et couic ! C'est foutu.

F.M. : Pour chercher les veines, pour sonder comment faisiez-vous ?

L.B. : Pour sonder, on était des fois 5 ou 6 jours allongés et pis on piochait. On avançait comme ça. Et pis d'un seul coup, pouf, mon vieux ! Une épaisseur de charbon comme ça. On faisait un trou de sonde, que du charbon , que du charbon. Bon, et bien on va couper la pierre maintenant. Alors on coupait la pierre pour avoir une entrée plus grande mais on avait travaillé pendant une semaine à plat ventre ! Ben oui, fallait ça. Souvent quand ils voyaient qu'il y avait une veine de charbon, ils se disaient : à quelle distance ça va ? Fait-elle 2 m, 3 m ou 10 m de long ? Alors on faisait un trou de sonde de 3 m, on creusait et pis on refaisait un trou de sonde.

F.M. : Vous ne saviez pas trop où étaient les veines ?

L.B. : C'est à dire, ils savaient bien avec tous les étages superposés. C'était seulement pour détecter, parce que dans une taille de charbon, y'a un toit et un mur qu'on appelle. Et ça s'en va dans tous les sens. Ça se rétrécit ou ça s'élargit. Des fois, ça s'arrête tout d'un coup. C'est difficile à expliquer. Pour le boisage, faut avoir vu. Le bois de sapin, c'était bien meilleur que le bois de chêne, hein. Pour finir, on avait du chêne. C'était de la saloperie. On boisait, et le lendemain si y'avait de la charge dessus, ben ça cassait d'un seul coup : clac ! Comme un coup de scie. Tandis que le sapin, si ça casse, on l'entend et il reste des filandres. C'est pas net.

P.B. : C'était une spécialité ça, boiseur ?

L.B. : Oh non, tout le monde. Ben disons, y'en avait qui faisaient que ça, comme Coudraie. Il faisait l'entretien des galeries. Si y'avait du bois de cassé bon ben, il l'enlevait et il le changeait, c'est tout.

P.B. : C'était du charbon de bonne qualité ?

L.B. : Ah oui ! Les ronds de cuisinière, ça les soulevait tellement la flamme était haute. Ça chauffait, hein. Mais, c'est pareil. Le dernier plan à 200 m, normalement il aurait fallu descendre à 400 m de profondeur pour avoir du charbon comme dans les mines du nord. C'est à dire en plateau. Le charbon serait tout à plat. C'est que ça va loin cette veine là, ça s'en va jusqu'à Ingrandes, Ancenis, je sais pas où.

F.M. : Et le plan là, à la surface, ça faisait quoi comme superficie à peu près ? Ça s'en allait jusqu'où ?

L.B. : Ah bah, c'est pas facile à dire. On passait sous le Louet. On remontait jamais, on descendait toujours par là parce que, comme on a déjà dit tout à l'heure, on serait peut-être tombé dans l'ancien puits, les anciens travaux. Et pis la mine aurait pu être noyée quoi. C'était pas notre intérêt ; ça a été exploité par là, valait mieux s'en aller par là. Et on n'avait pratiquement pas d'eau. Sauf un chantier ou deux, fallait un imper pour travailler. Une fois j'ai eu peur parce que y'avait une galerie, pis une descenderie comme ça. Elle était pas profonde la descenderie, elle faisait peut-être 4 m et pis on travaillait au fond comme ça. La lampe à air était accrochée au plafond. D'un seul coup, v'là un petit peu d'eau comme ça. Ah ben oui, mais quand j'ai eu fait un trou comme ça, voilà l'eau qui s'amenait comme à la sortie d'un tuyau. Je dis : allez hop ! Vite, faut remonter. Ben le temps qu'on arrive dans la galerie, y'avait pourtant pas haut à remonter, je dis : va avertir Robert Berland qu'il vienne voir, ben l'eau elle arrivait à la lampe à air. Y'avait bientôt 2 m d'eau. Alors Berland il dit : merde, comment ça se fait ? Il dit : ah ! Ça y'est j'y suis. c'était une poche d'eau, y'avait eu des travaux de faits. Il se rappelait plus non plus. Quand j'avais débouché, toute la flotte elle est venue là. Pis on a pompé et y'avait plus d'eau. Ça suintait un petit peu mais c'était rien. J'avais eu moitié les jetons là ! Malgré tout on a passé de bons moments quand même. Moi j'aimais bien être à la mine hein. Ah oui. On travaillait dur mais je m'y plaisais. Au fond, y'avait pas plus de vieux que de jeunes. On se tutoyait tous. Y'avait que les porions qu'on leur disait vous. Sauf moi avec Berland parce que je le connaissais depuis longtemps mais autrement… Oh, y'en avait deux ou trois qu'étaient un peu récalcitrants. Mais enfin y'en a toujours hein.

F.M. : Il reste plus personne ?

L.B. : Ben y'a Landebrit (Georges), qu'est à Chalonnes. Il est silicosé à 60% (70% en 2000). Il était rentré avant moi et il est parti avant que la mine ferme. Y'en a peut être d'autres, des mineurs, mais qu'ont seulement 2 ou 3 ans à la mine. J'appelle ça des mineurs si on veut mais… enfin, y'en a pas beaucoup hein. Ils meurent tous, j'sais pas comment ils font ! Le beau-frère, il est mort silicosé à 100%. Il a travaillé 9 ans à la mine mais seulement, à ce moment là, y'avait que le puits d'extraction. L'air mauvais restait toujours au fond quoi. Pis ils respiraient tout ça. Tandis qu'après, ben vous alliez l'hiver auprès du puits d'aération, ça fumait comme si y'avait le feu. Fallait pas y rester hein : tout le mauvais air remontait par là. Ça rentrait par le puits d'exploitation et ça ressortait par l'autre. Ça circulait.

P.B. : Y'avait des ventilateurs ?

L.B. : Ben y'avait des ventilateurs au fond. Mais on ne les mettait pas toujours en route hein. Ah non. Et dans le puits d'aération, y'avait des échelles aussi, pour remonter. Si on se trouvait bloqué mettons au milieu, on prenait les échelles et pis on arrivait au jour. Y'avait 45 m à remonter au lieu de 85. La mine, je la connais par cœur. Je la vois encore comme si je travaillais.

F.M. : Il ne doit plus rester grand chose maintenant.

L.B. : C'est à dire qu'y a des endroits où c'est éboulé. On a laissé les boisages. On a juste enlevé le matériel : les rails et pis les colonnes d'air. Bon, seulement ça doit être plein d'eau partout hein. Ben tous les dimanches – parce que le samedi on travaillait pas – ben le père Berland pis un ouvrier, fallait qu'ils aillent pomper. Parce que des fois, le lundi comme le lundi de Pâques, ça faisait trois jours. Ben la mine, elle serait à moitié inondée hein. Ils étaient donc une demi journée à pomper les puisards. Fallait ça pour que le lundi ça soit net quoi. […] Voilà ce que je pouvais dire sur la mine.

F.M. : Merci beaucoup de nous avoir prêté un bout de votre temps.